Existe-t-il un service de prévention chez les pompiers face à une augmentation anormale d’incendie dans des ICPE ERP?

 Je limiterai ma réponse à cette question aux seuls ERP car les ICPE, ressortissant, dès leur origine, à la sphère préfectorale, l’impact d’une « inflation » accidentogène concernant ces établissements poserait, certes, des problèmes de gestion aux autorités de l’Etat, tandis que le même phénomène, s’il affectait les ERP, police administrative incombant en principal aux maires, nécessiterait de la part de ces derniers une réaction aussi immédiate que possible, et ceci dès les prémisses d’une « augmentation anormale » (la police générale – en l’occurrence, selon la trilogie résumée par l’expression « police municipale » – en cas d’urgence).

Repartons donc de la proposition de réflexion sur cette thématique « alarmante ». Elle appelle deux sortes de commentaires : le premier inspiré par la pratique déjà connue et qui n’apparaîtra pas sous un jour original pour le moindre de nos praticiens de la prévention ; le second qui consistera dans une approche plus « prospective ».

 Je signalerai tout d’abord, qu’il y a tout lieu de s’inquiéter de la situation présente, dès lors que le rapport IGA-IGAS de juin 2014, adressé au ministre de l’intérieur, fait état de statistiques pour le moins « embarrassantes » :

« Il y a 11,5 fois plus de feux d’habitations que de feux d’ERP, mais le nombre d’habitations est 51,16 fois plus important que le nombre d’ERP (30833000/602726). Si on applique un coefficient pour rapporter le nombre d’ERP au nombre d’habitations (51,16/11,5) il y aurait 4, 45 fois plus de feux d’ERP que de feux d’habitations »[1].

« Pour un rapport de 51,16 fois plus de bâtiments que d’ERP rapporté au nombre décédés en plus dans les habitations par rapport aux ERP (313 morts versus 15, soit 20, 86 fois plus de décédés dans les habitations) rapporté aux poids relatif des parcs (51,16/ 20, 86) on obtient = 2,45 fois plus de décédés dans les ERP que dans les habitations »[2].

Que dire devant des chiffres qui parlent, devant un discours tellement éloquent ?

« Ces constats confortent l’appréciation d’une réglementation efficace et plaide[3] pour le maintien du principe d’un niveau de prescriptions exigeant dans les ERP et IGH »[4].

Cet élément de réponse à la question posée, même s’il m’apparaît à l’égal d’un « triturage » de chiffres, comme le permettent d’ailleurs nombre de statistiques appliquées à une foultitude de sujets, aboutit à une conclusion somme toute logique, la bride au cou du cheval devant être maintenue, afin que l’animal continue à obéir au maître, et non… l’inverse !

Si, toutefois, la situation devait empirer concrètement en termes de sinistralité, il conviendrait alors de mettre l’accent sur le lien posé par l’article R 123-28 du CCH qui fait passer la main de celle du maire à celle du préfet, celui-ci étant doté d’un pouvoir estimable dit de « substitution d’action », ce qui s’impose d’autant mieux au raisonnement, que le haut fonctionnaire départemental a reçu pour mission de suivre la vie des ERP, année par année (Art. R 123-47 du CCH). En droite ligne de ces considérations, et en dépit de la disparition de la CCS, laquelle incarnait pourtant une expression directe de ce que l’on appelle la démocratie, représentative de chaque acteur interlocuteur des sapeurs-pompiers en matière de prévention, il demeurerait la possibilité de s’enquérir de la « bonne parole » auprès de la sécurité civile, afin de réagir au plus efficace.

J’évoquerai en second lieu, non plus une situation dégradée d’envergure départementale, nécessitant déjà une « riposte » énergique d’essence locale, mais plutôt une détérioration touchant l’ensemble du parc ERP, un ou plusieurs types d’établissements étant concernés par ladite « augmentation anormale ».

La référence immédiate à un tel trouble nous ramènerait sans doute aux deux lignes qui concluaient plus haut le fameux rapport IGA-IGAS[5] à propos du niveau de prescriptions. Que deviendrait alors le dispositif de « droit souple », fertile en préconisations et précautionneux en termes desdites prescriptions ? Je ne peux m’empêcher de penser que, sensible comme de juste aux buts sécuritaires, raison d’être de la prévention[6], la sécurité civile pourrait raidir le ton et rétablir « l’auctoritas », pourquoi pas même en faisant appel au pouvoir réglementaire du premier ministre. N’oublions pas, en effet, que cette haute autorité s’il en est, peut user d’une prérogative qu’elle tient de la Constitution elle-même[7] sans le besoin d’autre texte de nature législative ou réglementaire subalterne.

Comme il est facile de le constater, l’ensemble de l’arsenal administratif qui vient d’être évoqué, ne porte en lui aucun germe évident d’un éventuel renforcement conséquent des structures propres aux sapeurs-pompiers, si la police de la prévention devait un jour dégénérer. N’irait-on pas d’ailleurs, avec quelque impudence, plutôt chercher des poux dans la tonsure de nos groupements départementaux de prévention, en dénonçant, par exemple, leur manque de diligences normales en matière d’information, de sensibilisation, et donc, de réaction, tout en insistant sur la gravité de leurs défaillances, en référence aux coûteuses sessions de formation et de maintien des acquis de ces mêmes serviteurs pourtant dévoués ? Mais peut-être suis-je un tantinet pessimiste…

 Le lecteur est informé que la réponse donnée ci-dessus l’est uniquement à titre consultatif.



[1] Note de bas de page n° 45, p 52 du rapport

[2] Note de bas de page n° 46, p 52 du rapport

[3] Au singulier dans le texte du rapport, p 52

[4] Dans le corps du texte du rapport, p 52

[5] Objet de ma note de bas de page n°4

[6] Je rappellerai les deux articles 1ers des lois « sécurité civile » de juillet 1987 et de « modernisation de la sécurité civile » d’août 2004 qui ont fait de la prévention la priorité de cette sécurité civile

[7] Combinaison des articles 20 et 21